Des frites et l’instabilité au coeur | Chronique d’une Sans Emploi Fixe | 49

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Debout, aux côtés de mon compagnon, le manteau sur les épaules, je patiente devant le comptoir de la friterie. Comme d’habitude, la gérante s’exclame. Tour à tour avec enthousiasme ou intensité, elle chante, raconte une anecdote ou râle simplement sur certaines difficultés de la vie. Toujours concrète, elle explique à quiconque l’écoute ce qui lui arrive comme bonne ou moins bonne aventure. Elle me fait souvent rire avec son franc parler. C’est rafraîchissant. Aujourd’hui, elle détaille les frais qu’elle a en tant qu’indépendante en Belgique…

L’odeur des frites embaume la pièce, le bruit de l’huile chaude et des burgers sur la plancha complètent le tout. La conversation évolue. Son amie et employée y ajoute par moments ses commentaires. On parle du coût de la vie de nos jours, autant pour les jeunes couples que pour les familles… L’amie parle en connaissance de cause : ses congés de maternité, par exemple, elle les a chaque fois terminés sans contrat, pour chacun de ses enfants. Elle partage cette info personnelle en toute simplicité, avec une pointe de détermination, comme on établit un fait. Un fait qu’elle n’a pas choisi. Un fait qui n’a clairement pas été simple à vivre, mais qu’elle a assumé jusqu’au bout. C’est le genre de personnes qui ne subit pas vraiment les obstacles de la vie, je pense. Comme sa patronne. Elles voient le problème arriver, elles râlent un peu… ou beaucoup… et le prennent à bras-le-corps. Fini le problème. Au suivant. Des femmes au caractère fort que j’ai la chance de côtoyer. 

Peu à peu, je plonge dans mes pensées. Je comprends très bien certaines de leurs expériences. Les mésaventures avec les clients, les horaires envahissants, les revenus minuscules, les frais, les incertitudes, la fatigue et le stress de ne pas gagner assez, malgré les heures et les efforts… Ces difficultés et impondérables, je les ai bien connus en étant freelance et au chômage. À l’époque, je me sentais ballotée entre chaque mission, je subissais cette instabilité. Aujourd’hui, alors que je sais que mon contrat a une date de péremption, je me sens prête à surfer sur la vague. C’est instable mais, au moins, je suis libre. Libre de m’occuper temps plein à une activité que j’ai choisie. Libre de travailler sur des projets qui me plaisent à côté. Libre de collaborer avec des gens qui m’inspirent et que mes projets inspirent. Libre de prendre des congés (sans solde, certes) quand j’en ai besoin, sans palabre, débat ou préavis. Libre de produire et publier le travail qui me paraît le plus chouette. Libre de suivre une vision en priorité plutôt que de la laisser de côté en attendant d’avoir l’énergie ou le temps. Libre mais limitée par mes propres carcans, bien sûr… 

– Du sel sur les frites pour vous deux, hein ?

Cette phrase me ramène sur terre. On acquiesce. En aspergeant les frites de sel, la gérante et l’employée se mettent à chanter sur le rythme d’un morceau, émanant d’un smartphone posé sur le comptoir. Je souris à cette connivence. Finalement, c’est ce qui compte le plus dans la vie : vivre avec des gens qui nous soutiennent et nous apportent de la joie…!

C’est sur ce dernier épisode réflexif que je vous laisse… pour le moment. J’aimerais tous et toutes vous remercier de tout cœur de m’avoir lue durant cette année incroyable. Merci aussi à ceux qui m’ont fait parvenir un message de soutien : c’est gai de lire et entendre que mes mots résonnent avec certains d’entre vous ! C’est l’objectif après tout. Toutefois, l’aventure ne s’arrête pas là, elle se transforme en bouquin (avec plus de détails et d’anecdotes encore !), des podcasts et sûrement bien d’autres choses. 

Alors, chers lecteurs, rendez-vous sur la toile pour suivre tout ça !

Dernier épisode publié dans la Chronique d’une Sans Emploi Fixe | L’Info de la Région 2022 | SEMAINE 11

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