Confortablement assise dans un fauteuil, la tablette sur les genoux, je regarde par les baies vitrées du garage. Les voitures défilent à toute allure devant le bâtiment. Tandis que j’attends que le garagiste change les freins de mon auto, je songe aux différentes tâches de ma to-do liste… Si on résume, il y a du taf à la maison (pour la rendre potable avant l’arrivée de belle-maman), de la paperasse à boucler (histoire d’avoir quelques menues monnaies complémentaires entre les missions rémunérées), des articles à rédiger, des mails à composer et des projets à finaliser.
À cet instant, si on me demande ce que je fais dans la vie, c’est relativement long à exprimer : rédactrice / chroniqueuse / copywriter / storyteller / blogueuse / salariée / freelance / chômeuse / entrepreneure / conseillère en développement personnel et marketing digital… Je sais, c’est assez long. Vous pouvez en rire.
Simplifions tout cela pour le commun des mortels : je suis slasheuse, rédactrice et entrepreneure. Parce que j’ai pleins de projets, que j’adore partager avec le monde (merci internet) et que tout ne marche pas toujours comme je veux.
Mais slasheuse, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que je n’ai pas su/pu/voulu choisir entre un métier et un autre. D’une fois à l’autre, c’est une question d’argent, d’envie ou d’opportunités… Alors, je fais les deux. C’est un concept qui s’est pas mal répandu en France mais pas des masses en Belgique ou au Luxembourg, j’ai l’impression… On peut ainsi rencontrer des plombiers humoristes, des infirmières peintres, des agriculteurs DJ, des carreleurs graphistes…
Bref, vous avez compris, c’est quand on n’est plus qu’une profession à la fois. Et je dis « est » volontairement car dans cette société, c’est comme ça que l’on considère la carrière. Les habituels « tu fais quoi dans la vie ? » impliquent généralement une notion de profession qui définit ton statut… et apparemment ton identité.
Ce qui est chouette, de nos jours, c’est qu’il y a de plus en plus de gens qui commencent à défier cette façon de voir les choses. Et je vous avoue que j’en fais partie : ma carrière ne définit pas qui je suis, loin de là. Idem pour vous : votre profession ne détermine pas votre identité. Vous avez le droit d’exercer un métier de caissière et d’être un génie qui s’épanouit dans sa vie. Et même si notre temps et notre vie tournent beaucoup autour du travail, vous le savez bien, il y a bien plus que cela dans le monde. Enfin, je m’égare un peu.
Il y a quelque temps, j’étais anthropologue physique / correspondante presse. J’ai aussi été intérimaire en magasin / blogueuse / archéo-anthropologue… Car toutes les anecdotes que j’aime vous partager chaque semaine dans cette chronique, je ne les ai pas toujours vécues tour à tour. C’était parfois simultanément, à mi-temps ou à tiers-temps. Et je suis certaine que je ne suis pas la seule.
Notre société est telle qu’aujourd’hui notre passion n’est pas toujours viable à temps plein. La preuve en est le nombre important de personnes qui se lancent en tant qu’indépendant complémentaire ! Nous sommes nombreux aussi au sein de la coopérative Smart, cette entreprise partagée où l’on peut déclarer nos prestations de passionnés, qu’elles soient ponctuelles ou plus régulières (et participer sagement au système d’imposition, etc.).
Au loin, j’entends un semi-remorque passer. Je passe ma main dans mes cheveux, percevant leur douceur, leur odeur et leur longueur, avant de penser à tous ces moments où j’ai essayé d’expliquer ma profession à quelqu’un. Presqu’à chaque fois, je finissais par choisir une de mes deux (ou trois) activités pro du moment. C’est plus court et tout le monde n’a pas envie d’entrer dans une réflexion sur le sens du métier aujourd’hui, ou sur le cliché qu’on attribue aux travailleurs slasheurs… Mais honnêtement, c’est le bon moment pour ouvrir les yeux et briser les tabous sur tout ça. Je vous laisse, ma voiture est réparée.
La suite au prochain épisode…
Chronique d’une Sans Emploi Fixe | L’Info de la Région 2021 | SEMAINE 38