Légèrement affalée sur ma chaise de bureau, la nuque contre l’appuie-tête, je repense à mes premiers entretiens d’embauche. Je vous en ai parlé la semaine dernière. Quand je suis songeuse ainsi, mon pouce et mon index se baladent souvent le long de ma mandibule, glissant sur les zones lisses de ma peau, triturant un peu plus la protubérance mentonnière et s’arrêtant sur les petits boutons qui pointent parfois leur nez. Ma mémoire se met à retracer l’histoire de mes recherches d’emploi après les premières entrevues quelque peu désastreuses.
La suivante était pour une agence de communication. Je me souviens de la galère pour trouver le bâtiment, un peu en retrait par rapport à la route. Puis j’étais restée quelques minutes devant la porte sans parvenir à faire marcher la sonnette. J’étais en retard. Une fois à l’intérieur, une sensation très bizarre avait envahi mes tripes : d’un coup, j’avais envie de partir en courant dans l’autre sens. Je ne voulais pas rester, c’était clair et net. Quelques signes de fort mauvais augure… Pourtant, les personnes que j’ai rencontrées étaient plutôt sympas ! Alors, j’ai décidé d’ignorer mon instinct.
Et ce fut probablement l’entretien le plus long de ma vie. Durant deux heures, on a évoqué énormément de choses, de mes compétences à mes ambitions, de l’instabilité de mes précédents jobs à mon besoin d’être rémunérée de manière appropriée pour payer mes factures… Pas de questions-pièges, pas de sentiment d’infériorité ou de critique. Prometteur, non ?
Au final, j’ai été prise. L’espoir et l’enthousiasme avaient fait taire l’envie de fuir et c’était intéressant. C’est seulement après quelques semaines de travail que j’ai compris… La boîte affrontait des difficultés économiques plus importantes que ce que la patronne m’avait avoué. Combiné à d’autres désaccords, je ne pouvais rester. Quelle ironie quand on sait que c’était l’entretien le moins pénible que j’avais passé jusque-là… !
Alors que mon esprit fait un saut dans le temps à la recherche des entretiens suivants, je sors un paquet de biscuits sans gluten à grignoter.
De retour sur le marché de l’emploi, mon discours aux entrevues était redevenu peu convaincant… Pour une boîte de développement de projets, pour une maison d’édition huppée… Heureusement, à mesure que les opportunités passaient, je commençais à sentir que la “malédiction” se dissipait progressivement. C’est à ce moment-là que je me suis retrouvée face au rédacteur en chef dont je vous ai parlé l’autre jour. Puis face à une responsable d’édition d’une grande boîte de communication imprimée, ainsi que face à un jeune entrepreneur à la vision ambitieuse.
Mois après mois, j’arrivais de plus en plus à parler d’une voix posée de mes capacités. Et la question des vêtements était restée au placard.
À un moment, j’ai cru que je devais cette amélioration au type d’opportunités concernées par ces interviews : elles me laissaient une certaine liberté puisqu’il s’agissait beaucoup de rédaction en freelance…
Et puis, vint le fameux jour où je me suis retrouvée face à mes patrons actuels. L’entrain de l’un associé au calme de l’autre m’avait beaucoup plu. Chacun de leurs projets me paraissait plein de potentiel. Et je me sentais bien dans ces bureaux. Aucune sensation bizarre, aucun signe de mauvaise augure et pas de bégaiement. Au contraire ! J’étais sereine et motivée, branchée sur une Hélène qui ignorait l’amertume du rejet, même pour un poste de salariée. Plus encore, je me sentais en vie : chaque cellule de mon corps était envahie d’un mélange intriguant d’enthousiasme, de dynamisme et de paix. Des sensations nouvelles pour moi, surtout dans cette intensité. Comme si ce job était vraiment fait pour moi…
La suite au prochain épisode…
Bref, je n’aime pas les entretiens d’embauche 2 | Chronique d’une Sans Emploi Fixe | L’Info de la Région 2021 | SEMAINE 36