Les yeux rivés sur l’ordinateur, je réfléchis à la façon dont je vais aborder un sujet casse-pied. Une certaine chaleur envahit peu à peu mes globes oculaires. Je ferme les yeux un instant pour calmer la sensation de sécheresse qui s’y diffuse. Malgré la fatigue, les idées s’ordonnent petit à petit dans mon esprit. Lorsque je les rouvre, j’opte pour la simplicité chronologique.
Un verre d’eau à la main, je repense à chaque entretien d’embauche que j’ai passé depuis ma sortie de l’université. Même si à la place, je suis tentée de vous dépeindre mes « graduations », avec le petit chapeau carré doté de son « plumeau » dont tout le monde oublie toujours le nom (c’est un mortier, je viens de vérifier), ce sont des moments un peu moins satisfaisants – voire un peu désespérants – que ces lignes vont évoquer.
Hé oui, ça fait partie de la vie. Mais soyons francs, à moins que vous soyez un pro de la tchatche ou un orateur, les “jobs interviews” ont vraiment tendance à être pénibles. Du moins, la plupart.
Mon premier le fut particulièrement. Il s’agissait d’expliquer à des politiciens en quoi j’étais prête pour établir un inventaire de documents historiques. J’avais clairement du potentiel : j’étais du coin, disponible… et surtout j’avais déjà passé plusieurs semaines à inventorier un nombre conséquent de bouquins. Alors qu’est-ce qui a coincé ? En vérité, le feeling ne passait pas avec mes interlocuteurs. L’un était penché sur mon CV, armé de son bic rouge. L’autre me posait des questions clairement borderlines au niveau privé. Je bredouillais beaucoup et ne comprenais pas toujours leurs interrogations. Bref, ça n’a pas marché.
Il a fallu un peu de temps avant que je décroche un entretien pour un autre job… J’eus un peu de répit avec quelques missions d’intérim et l’un ou l’autre coup de main donné aux archéologues. Les échanges suivants ne furent pas piqués des vers !
Un chasseur de tête m’a contactée un jour pour un job au sein d’une grosse boîte de recrutement. Si on peut déjà pleinement apprécier l’ironie de se faire contacter par un recruteur pour devenir recruteur, c’est surtout la vitesse à laquelle tout cela s’est passé qui m’a marquée. Après quelques explications par téléphone, j’étais invitée à un entretien à Luxembourg-ville trois heures plus tard. À l’époque, je n’avais pas grand chose à me mettre pour ce genre de poste. Mais tant pis. Vêtue des fringues les plus classes que j’avais en stock, j’avais tenté d’expliquer au recruteur que mes “soft skills” étaient tout ce dont j’avais besoin pour gérer ce genre de jobs. Mais sans argument vraiment solide, ça ne l’a pas convaincu. Pire encore, j’eus la désagréable impression que l’image de mes vêtements était ringarde… desservant davantage le maigre discours que j’essayais de construire. L’échange fut infructueux. Et à mon retour, je me suis mise à shopper des vêtements plus intemporels au cas où on me proposerait un autre emploi dans la capitale de la finance.
Tandis que les moutons bêlent dans les champs un peu plus loin, mes doigts continuent de tapoter le clavier… Je vous avoue que je suis ressortie déçue de ces expériences peu glorieuses. Mais j’ai aussi gagné l’envie de trouver des opportunités qui me convenaient mieux. C’était sûrement là que résidait tout le mystère d’un avenir professionnel heureux ! Malgré mes efforts, mes nouveaux vêtements, les livres que j’ai lus sur l’éloquence et même une bonne préparation aux entretiens, parfois je n’arrivais juste pas à m’exprimer clairement devant un jury… Ces difficultés ont pavé mon chemin professionnel, mais elles m’ont amenée ici et maintenant. Alors, je ne regrette pas mes actions. Au moins, j’ai essayé.
La suite au prochain épisode…
Chronique d’une Sans Emploi Fixe par Hélène Déom | pour L’Info de la Région 2021 | SEMAINE 35