Il est 17h30. La journée se termine… Je reprends la voiture et sur le chemin, une image de mon frigo me vient. Il faut que je fasse des courses.
J’arrive au magasin masquée (puisque ce n’est plus le signe qu’on compte faire quelque chose de louche…) et je saisis un caddie désinfecté. En parcourant les rayons, j’aperçois une employée avec sa palette, en plein réassort. Quelques souvenirs refont surface dans mon esprit.
Je me revois, le cutter dans la poche et les chaussures de sécurité aux pieds, maniant un transpale et déplaçant une palette chargée jusqu’à un rayon d’épicerie… Honnêtement, ce n’est pas la « machine » la plus intuitive du siècle, mais cela reste plus ou moins gérable à manier, même dans les tournants. Je repense au toucher du plastique tendu, froid et poussiéreux qui emballe les articles… Un coup sec de cutter entre les produits les libéraient pour recharger les rayons. Parfois, c’était un peu la gymnastique des poignets pour placer les produits qu’on venait de recevoir derrière leurs semblables. Et puis, vu ma taille, je veillais à toujours avoir un marche-pied pas loin pour remplir les rayons plus élevés. Ce n’était vraiment pas du luxe quand je rangeais les huiles ou les sauces tomates !
Je me souviens qu’au début, j’appliquais la méthode rangement de bouquins, que j’avais apprise en tant qu’étudiante jobiste en bibliothèque. Cela décalait un peu les produits par rapport aux étiquettes mais ainsi le rayon était rempli… Je ne vous dis pas la tête de la responsable quand elle s’en est aperçue ! Après ça, c’est sûr, j’avais bien compris qu’il fallait aligner les étiquettes avec les produits, quitte à laisser des trous dans les rayons…
Un peu plus tard, c’est une intérimaire, qui avait déjà bossé en magasin, qui m’a transmis une technique clé du réassort, le facing : si vous ne connaissez pas, c’est le fait de placer les produits sur le devant… pour faire un beau rayon (si j’ai bien compris).
Quand je n’avais pas le temps d’entamer une palette, je me mettais au facing de tous les rayons que je voyais… Cela avait un côté déstressant et satisfaisant de faire ça. C’était plutôt pas mal pour apaiser mon petit cerveau qui chauffait vite (à l’époque, on m’avait diagnostiqué un surmenage dû à mon emploi précédent, donc un peu d’automatisme n’était pas de refus…). Rapidement, c’est devenu une habitude. Et parfois encore aujourd’hui, lorsque je suis pensive et que je prends un article en rayon (pour faire mes courses), je me surprends à remettre les autres produits sur le devant. Si un jour, vous me voyez faire, ce n’est pas une maladie… je ne travaille peut-être pas là… c’est juste plus fort que moi.
Au bout de quelques semaines, un employé d’expérience était venu vers moi pour passer en revue certains rayons un peu moins fréquentés et vérifier les dates de tous les produits un à un. Une tâche répétitive qui en a suivi une autre, puisqu’après ça, on s’est mis à passer en revue tous les codes-barres et prix des produits du rayon (qui changent plus souvent que les autres).
Je pousse mon caddie un peu plus loin et je vois deux employés papoter. Je ne peux m’empêcher de sourire, en pensant à toutes les personnes que j’ai rencontrées à l’époque en magasin. Des gens fort sympas, souvent ouverts et pleins de jovialité. Certains étaient plus concentrés que d’autres mais c’était toujours un plaisir de les croiser et d’échanger deux mots.
La suite au prochain épisode…
Chronique d’une Sans Emploi Fixe par Hélène Déom | pour L’Info de la Région 2021 | SEMAINE 18